Françoise BONNEROT
Françoise BONNEROT

Il est nécessaire de séparer l'esthétique de l'art parce que l'esthétique concerne des jugements sur la perception du monde en général. Autrefois, l'un des deux pôles de la fonction artistique était sa valeur décoratrice. La tranche de la philosophie qui traitait du "beau", et donc du goût, se trouvait inévitablement dans l'obligation de discuter aussi de l'art. De cette "habitude" naquit l'idée qu'il y avait un rapport conceptuel entre l'art et l'esthétique, ce qui est faux.[...] 

 

Etre artiste aujourd'hui signifie s'interroger sur l'entité art. Si l'on s'interroge sur l'entité peinture on ne peut s'interroger a fortiori sur l'entité art. Si un artiste accepte la peinture (ou la sculpture), il accepte la tradition qui l'accompagne. Ceci, parce que "art" est un terme général et "peinture" un terme spécifique. La peinture est une forme d'art. En réalisant des tableaux, vous acceptez déjà la nature de l'art (et ne la mettez pas en question). [...] 

 

L'art "moderne" et les réalisations antérieures semblaient liés en vertu de leur apparence formelle. Autrement dit, le "langage" artistique demeurait le même alors qu'il exprimait de nouvelles choses. L'événement qui permit de concevoir et de comprendre qu'il était possible de "parler un nouveau langage" tout en conservant un sens à l'art fut le premier "ready-made" de Marcel Duchamp.

 

À partir du "ready-made", l'intérêt de l'art ne porte plus sur la forme du langage, mais sur ce qui est dit. Ce qui signifie que le "ready-made" fit de l'art non plus une question de forme, mais une question de fonction. Cette transformation – ce passage de l'apparence à la conception – marqua le début de l'art moderne et celui de l'art "conceptuel". 

 

Tout l'art (après Duchamp) est conceptuel.

 

Joseph Kosuth, "Art after philosophy I" (extraits), Studio International, octobre 1969.

 

 

 

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© Francoise Bonnerot