Françoise BONNEROT
Françoise BONNEROT

À propos d'utopie

...Si l'on songe que l'image du miroir est logée pour nous dans un espace inaccessible et que nous ne pourrons jamais être là où sera notre cadavre, si l'on songe que le miroir et le cadavre sont eux-mêmes dans un invincible ailleurs, alors on découvre que seules des utopies peuvent refermer sur elle-même et cacher un instant l'utopie profonde et souveraine de notre corps.

Peut-être faudrait-il dire aussi que faire l'amour, c'est sentir notre corps se refermer sur soi, c'est enfin exister hors de toute utopie, avec toute sa densité entre les mains de l'autre (...) Il y a un regard enfin pour voir vos paupières fermées.

L'amour, lui aussi, comme le miroir et comme la mort, apaise l'utopie de votre corps, il la fait taire, il la calme, il l'enferme comme dans une boîte, il la clôt et il la scelle, c'est pourquoi il est si proche parent de l'illusion du miroir et de la menace de la mort. Et si malgré ces deux figures périlleuses qui l'entourent on aime tant faire l'amour, c'est parce que dans l'amour, le corps est ici.

 

Michel Foucault  L'utopie du corps  1966

 

 

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© Francoise Bonnerot